Vous trouverez sur le site de Philippe Saint-Arroman, les informations techniques détaillées.
J'étais allé voir le chantier installé au bord de l'Adour, pour acheter un Balea qui m'avait tapé dans l'oeil à la lecture du Chasse Marée, d'autant que Yves G.G qui l'avait essayé pour cette revue m'avait dit le plus grand bien de la carène. Le Balea m'avait finalement paru un peu petit, mais un bateau recouvert d'une housse sous un hangar semblait correspondre à mes souhaits. C'était Hegoak, le Kanoteko+ numéro un.
J'exprime mon cahier des charges à Philippe Saint-Arroman : "un canot que je puisse mener seul jusqu'à force 5, et manipuler seul à terre". Il m'assure que le K+ fera le boulot. Je passe commande, finalement en achetant un chat en poche, n'ayant pas essayé le bateau. Et je ne l'ai jamais regretté.
Un vrai voilaviron.
La carène est de la même famille que celle du Balea, une coque en V, sensible à l'arrêt, qui s'élargit fortement pour assurer une stabilité dynamique, un peu comme sur un Doris, en mieux.
Le K+ est une interprétation des petits canots basques utilisés par les pêcheurs ; comme eux il est très maniable à l'aviron, le faire reculer par exemple est aussi simple que d'avancer, et il s'avère suffisamment rapide pour qu'on se serve des rames. Pour éviter la cohue de l'école de voile sur la cale d'où je le lance souvent, je pars à l'aviron pour ne gréer qu'au large. Quand le vent se montre faible et le clapot modéré, je parcours environ un mille (20 minutes pépère) avant de hisser la voile. De même au retour, j'abaisse la voile au large (moins loin) et le bateau est ainsi plus aisé à sortir de l'eau, tâche rendue difficile parfois avec le ressac qui vous drosse sur le béton de la cale à la moindre erreur.
Le grément de Beau-Merle est au tiers avec une bôme. La voile fut dessinée spécialement pour lui, les K+ précédents utilisant l'option houari plus foc. Il m'a fallu pas mal de temps pour trouver les bons réglages, le bateau ayant tendance à se planter face au vent et ne plus vouloir en démordre, sauf en le faisant reculer avec la barre à contre. Mais je ne saurais faire la part de ce qui revient au bateau et ce qui incombait à la faible expérience du marin (je n'avais commencé la voile que deux ans auparavant à soixante-quatre ans, un âge où l'on apprend pas très vite). Quoi qu'il en soit, en reculant le point d'attache sur la vergue et en amurant au pied du mât, le canot est devenu docile, aussi bien pour les virements que pour les empannages. Du moins tant qu'on n'est pas surtoilé.
Seul à bord, dès 12 noeuds de vent, il faut prendre un ris, et le second vers 15/16 noeuds. Il importe alors de très bien ferler la voile avec les garcettes, sinon on obtient un sac de pomme de terre, une poche à contre se formant à l'arrière du mât, rendant la voilure incontrôlable. Quand le ris est correctement ficelé, le bateau reste mieux à plat, il devient plus rapide et plus confortable, le barreur solitaire demeurant assis comme un pacha sans avoir à se pencher pour des rappels d'enfer. Le bateau n'a jamais chaviré, sauf cette fois là. Même, à deux poids lourds, par force 5 sérieuse, l'équipage faisant rappel au lieu de choquer l'écoute dans les rafales à 23 noeuds bon poids, le souvenir disant "toute la voile dessus", plus probablement un ris de pris, le mât a cassé, mais le K+ n'a pas chaviré.
Beau-Merle naviguant souvent dans le Pertuis Breton, un clapot fort et court et souvent désordoné lui tient lieu de terrain de jeu. Sa jolie carène passe bien la vague et le bateau n'embarque quasiment jamais d'eau. Après deux heures de navigation dans le clapot des pertuis charentais, une petite dizaine de coups d'éponge vient aisément à bout de l'eau indésirable, c'est une opération qui relève plus de la coquetterie que du besoin.
Aux allures de largue, le canot arrive de temps en temps à surfer la vague malgré ses 9,6m2 de toile seulement pour une coque de 118kg environ auxquels s'ajoutent éventuellement les 75kg de lest sous forme de ballast liquide. Au près un cap de 40/45° par rapport au vent se tient aisément. Une attention soutenue permet de remonter à 35°, au prix d'une vitesse réduite et d'une surveillance du fasseyage de tous les instants pour ne pas se trouver planté brutalement bout au vent. Mais ça permet parfois, en profitant d'adonnantes, de passer un obstacle sans tirer un bord de plus.
De retour à terre, la coque munie de sa voile et ses espars, ses avirons, son mouillage et chargée des ans du capitaine, auxquels il convient d'ajouter le poids du chariot de mise à l'eau en acier galvanisé (plus de 30kg) on est à la limite du manipulable par une seule personne. Remonter une cale peut s'avérer vite problématique si la fatigue de la navigation se fait un peu trop sentir. C'est le moment où l'on regrette le Balea.
En revanche le lancement et la sortie de l'eau avec la remorque de route la plus simple du marché sont des opérations extrèmement aisées.
Toute chose présentant un revers, au ponton le K+ n'est pas une affaire. Il ne peut pas faire office de barge pour recevoir huit personnes à l'apéro, il y aurait vite des buveurs à la mer. En fait c'est un engin bien fait pour naviguer, seul ou à deux ( trois à la rigueur) plus rapide à la voile que la plupart des bateaux de voile-aviron présents dans les flotilles et réellement utilisable aux rames, même debout à la valesana.
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