Cette première est ancienne probablement et d'origine inconnue, mais si on en juge à la casquette du marin, on lui attribuerait une origine russe. On est conforté en faveur de cette hypothèse par la carène du bateau qui est indéniablement de cette tradition charpentière.
Quoiqu'il en soit, chacun aura reconnu une voile à livarde, mais aura été surpris de la forme triangulaire très allongée de la partie arrière et de l'étroitesse relative de la partie supérieure. Cependant l'oeil est de plus attiré par un bout' qui part du haut du pic de la livarde et va vers la poupe.
A quoi ça pouvait bien servir? Citons Ross Lilistone en recopiant une traduction publiée sur ce site même : "Le système que j’utilise pour améliorer les performances d’une voile à corne est un tire-vergue très simple qui s’accroche à la tête de l’espar. Ce système de hale-bas peut également être utilisé efficacement avec toutes les variétés de voile au tiers, à livarde, etc.
La plupart des gens sont familiers des hale-bas de bôme, mais le hale-bas que je montre ici s’accroche en haut de la voile, et contrairement au hale-bas de bôme, il est très légèrement chargé, nécessitant seulement une légère corde. Ce ne est pas une idée de moi -des hale-bas de ce genre ont été en usage au cours des siècles- cependant, je soupçonne que ma méthode de réglage du gréement est nouvelle.
On en lira un peu plus en se référant à la page idoine, où l'auteur des antipodes nous donne une idée de l'usage éventuel de cette ficelle : ce serait un tire-vergue. Ross Lillistone aurait donc retrouvé une pratique ancienne dont le souvenir nous avait quitté, et que cette photo rappelle à notre curiosité.
La seconde image est au contraire tout à fait contemporaine, puisqu'il s'agit d'une production actuelle d'un important chantier russe, Sigo Marine, présent aussi bien en Baltique qu'en Mer Noire, et dont la production est plutot orientée vers des unités motorisées de beaucoup plus gros tonnage qu'un modeste voile aviron. On notera qu'à coté de ce canot, l'entreprise construit aussi des Drascombe.
Le canot , construit en chêne avec des bordés soit en pin soit en bouleau, mesure 5, 10m de long pour une largeur maximale de 1,61m et peut accueillir 8 personnes. Ontrouvera le descriptif en anglais ici : http://sigo-yacht.com/wp-content/uploads/2015/05/yal_eng.pdf. Ceux qui sont plus à l'aise avec le russe, consulteront le document dans cette langue ici : http://sigo-yacht.com/wp-content/uploads/2015/05/yal_rus.pdf
Intéressons nous au plan de voilure qui est donné pour 10m². Il s'agit d'une voile au tiers peu apiquée, sans bôme, mais dont la caractéristique qui nous intéresse est sa coupure en deux. Une partie arrière amurée en pied de mat, et une partie avant amurée sur l'étrave,. Cette voile fonctionne donc comme une grand voile et un foc. Nous l'appellerons une "voile au tiers foquée" faute de connaitre un nom classique s'il en existe un en français.
Il n'est donc pas nécessaire de gambeyer, ni besoin d'un bout-dehors interminable pour que le foc ne se prenne pas la tête dans la vergue de la voile au tiers! Au près on comprend aisément comment ce grément peut fonctionner, mais comme on ne voit pas de réglage du point d'amure du faux-foc, on peut donc se demander comment évolue la vergue quand on choque la voile pour abattre. Les lois de la géométrie nous indiquent que si l'arrière de la vergue pivote vers l'avant, la partie avant va devoir pivoter vers l'arrière. la longueur du guindant de la voile étant constante, le point de proue de la vergue va donc décrire un arc de cercle dont le rayon est justement la longueur du guindant de la voile, et le centre le point d'amure, ce qui devrait sensiblement apiquer la voile * ; mais la poussée dans le faux-foc ayant tendance à empêcher la vergue de pivoter, il agirait alors comme frein de vergue et limiterait le risque de repliement de la voile à bordure libre, limitant le recours à un tangon aux allures portantes.
On pourrait dire encore que le faux-foc, en limitant le débattement de la vergue, jouerait un rôle analogue au tire-vergue de la première photo en contrôlant la torsion de la grand-voile.
Mais il ne s'agit là que de supputations, et en l'absence de retour d'expérience de pratiquants de cette voilure, quelques essais s'imposent. À vos ciseaux et vos aiguilles!
note : d'accord, c'est un peu plus compliqué que ça puisqu'il s'agit de géométrie dans l'espace et que le bout de la vergue décrit aussi un arc de cercle dont le rayon est la longueur de la vergue entre son extrémité avant et le mat. Mais la conclusion est la même, le bout de la vergue s'abbaisse.