Les météos avaient claironné partout un été indien, et pour combler l’amateur, les marines avait promis un vent établi de force 4 et des rafales de 20 à 23 noeuds, si bien qu’un mel diffusé dans la soirée du vendredi à tout VAPiste avait lancé la chose : « Navigation demain.
Demain Zigoteau et Pass’partoo prévoient une mise à l’eau à la cale de la pointe du Chay à Angoulins vers 12h30, bienvenue aux amateurs. » Un lève-tôt (Petrus) avait répondu dès 7h 19mn : « Muddy sera mis à l’eau de Port Neuf avec Isabelle MC et Nathalie D, je ferai le mousse !
Nous rejoindrons les autres en prenant plein sud. Qui d’autre ? ». Deux heures plus tard Beau Merle se rallie : « bonjour, je suppose que ‘navigation demain’ c’est navigation aujourd’hui samedi. A quelle heure la mise à l’eau à PortNeuf? » On s’entend par téléphone sur la nécessité de faire plus vite que rapidement. Il n’était pas onze heures, ce 18 octobre 2014, que Beau Merle se présente, en même temps que Petrus, aux plots rétractables qui bouchent l’entrée de la cale de PortNeuf. Quelque peu facétieux, ceux-ci demeurent coincés en position haute, malgré les manœuvres autorisées et les inavouables pour les faire s’abaisser.
Sur ces entrefaits, la petite Gazelle des sables, Passepartoo, arrive en renfort, ayant été lâchement abandonnée par le Zigoto resté dans les terres lointaines. En attendant l’arrivée de l’électricien de garde aux services techniques de la ville, on devise avec d’autres infortunés, tandis que les dames, arrivées tôt, se livrent à l’antique corvée d’eau, s’évertuant à rejeter de la bonne eau de pluie hors du corps creux de Muddy. Ce Nantucket catboat étant un plan américain ancien, on suppose que l’invention du nable n’avait pas encore franchi l’Atlantique.
Du côté de la porte, on commençait à revoir à la baisse le programme de navigation. Arrive le préposé d’astreinte qui de sa carte magique fait que les bornes se rétractent illico. Aussitôt Passe-Partoo se met à l’eau, remplissant allègrement son ballast par le nable approprié, tandis que BeauMerle quittant sa remorque va s’amarrer au quai. Il est, lui (c’est un bateau moderne), bien équipé d’un nable de vidange, mais qui ne respecte pas le sens unique et a une fâcheuse tendance à suinter aussi vers l’intérieur, il s’ensuit qu’il faut là aussi se livrer au jeux de l’éponge en attendant Muddy qui se fait désirer.
On en est encore à aller déjeuner du côté d’Aytré, départ au près retour au portant. Quand Muddy est enfin à l’eau, commence le délicat travail de le gréer. Pensez, il y a aumoins deux drisses qui ne font que s’emmêler et deux haubans qui gênent l’ouvrage. En s’y mettant à cinq, on finit par le rendre présentable.
Pendant ce temps, la marée étant de petit coefficient, la mer n’avait qu’à peine recouvert quelques traitres cailloux, mais l’horloge n’avait pas perdu de temps et il commençait à être un peu tard pour le programme annoncé. Conférence au sommet : on décide de faire route au portant vers l’Ile de Ré, de passer sous le pont et de déjeuner à Rivedoux, on aura tout l’après midi pour revenir. Comme Muddy risque d’aller trop vite, on convient d’attendre PassePartoo. Prudente, la petite Gazelle des Sables part la première, juste avec sa grandvoile et le foc, force 4 et rafales à plus de 20 noeuds annoncés obligent. Sur BeauMerle et Muddy, on prend un ris de précaution. Muddy s’élance ! Pas loin. Le vent promis tardant à venir, le flux est le plus fort et entraine le Nantucket sur les hauts fonds d’où il peine à se dégager. BeauMerle vient en renfort à coup d’avirons et quand on parvient enfin à se déhaler, la petite gazelle a tant tracé la route qu’on ne la rattrapera jamais. On avance péniblement dans un vent atone. On se décide à larguer les ris ; trop tard, même toute voile dehors (une chacun) les deux bateaux qui devaient attendre PassePartoo sont enclins au farniente. Il n’est même plus question de passer le pont. Joint par téléphone, Jean-Michel M de Passepartoo nous informe qu’il a déjeuné à flot. On le prie de revenir vers le reste de la flottille où l’on va aussi piqueniquer à bord.
Cette partie du programme se déroule plaisamment sur une mer calme, un vent léthargique et un soleil bienveillant. On flâne, on prend des photos, on se baigne. La monotonie est juste rompue par le passage d’un long cargo qui développe quatre méchantes vagues déferlantes très rapprochées, heureusement d’une hauteur mesurée, que PassePartoo, le plus près du navire marchand, supporte sans broncher grâce au dessin de sa voûte en cul pointu qui a sauvé tant de marins olonnois lors de l’ouragan du 19/20 septembre 1930, embarqués sur les Gazelles originelles.
Finalement on met le cap sur Port Neuf. Le vent est juste suffisant pour que les bateaux soient manœuvrables, mais la Gazelle, malgré le renfort d’un flèche et d’un clinfoc, un peu plus au large, peine à remonter le courant, et se fait prendre en remorque par un pêchepromenade à moteur, pour pouvoir repartir dans l’intérieur des terres dans un délai raisonnable. Muddy et BeauMerle se laissent porter par le léger souffle d'air, comme les centaines d’autres embarcations qui étaient de sortie devant La Rochelle. Canots, catamarans et coursecroisière de tout poil, chacun suivait le même train de sénateur. Nous avons ainsi éprouvé au milieu de toutes ces voiles qui tentaient de rentrer, un intéressant concept : le « naviguer autrement comme tout le monde ». Pour être tout à fait juste, certains voiliers allaient plus vite que les autres, voiles fermement bordées dans l’axe du bateau pour ne pas gêner l’action du moteur. Peut-être un train à prendre avant 18h ?
Quelque obscur problème vestimentaire a retardé quelques instants Muddy ; BeauMerle en profite pour s’éloigner afin d’arriver avant la trop grande marée basse, et éviter d’aborder aux Minimes quand voitures et remorques sont à Port Neuf. Mission accomplie dans les délais, le bateau est remis sur sa remorque avant que les roues tractrices de la voiture soient sur la partie glissante de la cale. On guette Muddy, le voilà ! il double le musoir de la digue, moteur auxiliaire à fond (la godille je veux dire) pour aborder de justesse sur un filet d’eau. Mais le pilote connait son terrain, il existe au ras du quai une bande qu’épargne les algues glissantes. Voila bientôt Muddy hors de la vase et profitant d’une douche réparatrice. PassePartoo est reparti depuis longtemps dans son van.
Petit debriefing autour d’un verre. Chacun en convient, il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu un tel plantage de la météo.
Encore heureux qu’il ait fait beau
et que pour fair' dans l’eau des ronds,
on ait de fort jolis bateaux,
la poupe ornée d’un aviron.
Danilus
Image de titre : Passepartoo , la petite gazelle des sables, devant un pétrolier à La Pallice