Trois barques à Orta : l'ancienne, la même bachée et la pareille en plastique, mais privée de dossier passager.
On remarque immédiatement que rien n'est prévu pour gréer une voile ; quoique le lac s'étende sur 18km du nord au sud, il n'y a jamais que 2,5 km d'une rive à l'autre, au plus large, aussi ramer pour aller voir le village voisin est probablement plus rapide que de tirer des bords dans un vent atone ou contraire. Mais comme les mêmes canots sont présents sur le Lac Majeur notablement plus grand, à peine dix kilomètres plus à l'est, cette belle explication ne tient pas. Sur ce lac, justement, un propriétaire occupé au vernis annuel nous dit que le canot servait pour la pêche.
Peut-être en loisir, mais la construction et la forme font douter qu'il s'agisse d'un bateau de travail. D'ailleurs les bateaux de pêche ressemblent à l'image traditionnelle, avec la coque aujourd'hui en plastique et élargie, poussée par un moteur hors-bord, encore que les avirons soient souvent présents permettant la nage frontale debout pour deux rameurs côte à côte.
Quelques affiches publicitaires du début du XXe siècle incitent plutot à n'y voir qu'un bel instrument de canotage comme c'était la mode. Le siège passager, très élégant, plaiderait pour une telle interprétation.
Les cotes ont été relevées sur un exemplaire exposé en plein air depuis longtemps chez les canotieri d'Orta, et souffrant de tous les maux que les intempéries lui ont fait subir.
Il s'agit d'une yole longue de 5m pour une largeur maximale de 1,35m, une coque élancée se terminant par un joli tableau arrière étroit en forme de verre à vin de 66cm de largeur au niveau du plat-bord, qu'on affuble d'un petit moteur de nos jours. La coque est construite à clin de 8mm d'épaisseur seulement. Il ne s'agit pas de contreplaqué mais bien de bordés de bois "massif", probablement d'un résineux.
Il n'y a pas de quille, mais une sole étroite, 24cm au plus large, entourée de galbords de 16cm, puis de 6 paires de clins de 12cm de large se recouvrant sur 1cm. La coque est maintenue par 24 couples de membrure pliés fixés sur des varangues sciées. Les couples sont fins, 15mm x 20mm, et leur action est renforcée par une serre bauquière de 15mm x 50mm, et une serre de semblable section au niveau des galbords. La profondeur de la coque est à son maximum de 46cm. Il n'y a bien évidemment pas la moindre réserve de flotabilité.
Un banc de nage central fait face à un siège pour passager doté d'un élégant dossier amovible. À l'arrière un autre banc complète la panoplie. Le pont avant doit pouvoir servir d'assise pour un passager équilibrant ainsi les poids dans la barque. Un plancher non fixé repose sur les varangues, offrant un bon confort de circulation dans le canot, et accueille les crémaillères pour le réglage des calepieds.
Le hasard n'a pas permis qu'on juge sur l'eau les qualités de ces yoles italiennes, qu'on appelle ici lancia , mais leurs mensurations plaident en leur faveur quant à leurs capacités à l'aviron sur les eaux calmes des lacs alpestres pour lesquelles elles ont été conçues.
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